dimanche 10 mai 2009

LE SENEGAL DES DEBATS INUTILES...

Drôle de pays que notre (cher) Sénégal ! Des événements, insignifiants ailleurs, prennent chez nous des proportions inquiétantes, tandis que d’autres, qui ailleurs seraient au centre du débat, chez nous font l’objet d’un traitement quasi-confidentiel. A croire que dans le Sénégal d’aujourd’hui, il y a pénurie du sens de la mesure…
Qu’est ce qui a donc « buggué » chez bien de mes compatriotes pour qu’ils prennent un malin plaisir à épiloguer à longueur de journées (et même de semaines !) sur des questions quasiment sans enjeux, aussi ennuyeuses que pourrait l’être un débat sur le sexe des anges ?
Pourtant, tel n’a pas toujours été le cas. Il fut en effet un temps, pas lointain d’ailleurs, où les débats publics étaient de haute facture. A croire d’ailleurs que le processus de « démocratisation », en ouvrant toutes les vannes et en permettant à toutes les opinions d’être exprimées, d’où qu’elles puissent venir, a conduit à un nivellement par le bas du débat public. A l’époque par exemple où la presse sénégalaise se limitait à quelques journaux, pour la plupart des hebdomadaires (notamment Walfadjiri, Sud-Hebdo, Cafard Libéré, Politicien), la qualité était incontestablement de mise, tant dans le choix des sujets que dans les standards du point de vue du traitement de l’information. Nous avions à l’époque de vrais journaux, animés par de vrais journalistes, dotés d’une solide formation, très au fait des exigences éthiques et déontologiques de leur métier, et qui, pour toutes les raisons tantôt évoquées, traitaient de vraies questions et refusaient de verser abusivement dans le sensationnel. Qu’en est-il aujourd’hui ? La vérité commande de dire que si la presse sénégalaise s’est fortement diversifiée, elle ne s’est pas bonifiée, alors là pas du tout. A propos de ce que nous dénoncions tantôt, la multiplication des débats inutiles, la responsabilité des médias, incontestablement, est indiscutable. Pour la presse sénégalaise, quasiment toutes catégories confondues, il n’y a désormais que la quête du sensationnel qui compte, au point que l’information (la vraie, la juste) et l’analyse (la pertinente, l’objective) en sont réduites à des portions congrues. En cela, la presse sénégalaise est devenue une formidable machine à colporter les rumeurs, en même temps qu’elle oriente le débat public dans des voies sans avenir et donc sans grand intérêt. Il ne s’agit pas ici de faire le procès de la presse ou de mettre tous les journalistes dans le même sac, mais seulement de reconnaître l’influence parfois néfaste d’une certaine presse qui, malheureusement, tend à se généraliser dans la profession. Ce mouvement de nivellement par le bas de la presse sénégalaise prend des formes multiples : « unes » aguicheuses (et très souvent sans grand rapport avec les contenus des papiers), multiplication des « offs » (le lieu par excellence où les rumeurs et les informations non vérifiées sont véhiculées), prépondérance des sujets politiques (comme si le Sénégal était en perpétuelle campagne électorale, comme si également seule la « politique » était digne d’intérêt), etc. A la décharge de la presse sénégalaise, on pourrait néanmoins faire observer que peut être, la presse ne fait que servir au peuple ce que ce dernier désire. Mais ne rentrons pas dans ce débat, qui reviendrait à déterminer qui de l’œuf ou de la poule vient l’un avant l’autre.
Le constat, dans tous les cas, est implacable et ne souffre d’aucune contestation possible : soit ce sont des questions sans intérêt qui peuplent le débat public, soit ce sont les mêmes questions qui reviennent sans cesse, au point qu’elles deviennent ennuyeuses.
Karim par ci, Karim par là, à croire qu’il aurait le don d’ubiquité. Certes aucune hésitation n’est permise à ce propos : une dévolution monarchique du pouvoir serait inacceptable dans cette République qu’est le Sénégal. Mais à trop parler de Karim, ne participe-t-on pas à « crédibiliser » ce dernier aux yeux de l’opinion, et donc à le rendre présidentiable ?
Remaniement par ci, remaniement par là, avec un suspense et des rebondissements dignes des plus grandes séries américaines, et tout cela comme si l’avenir du Sénégal se jouait dans ces remaniements, malgré les enseignements de l’histoire (combien de remaniements en effet depuis 2000, et pour quels résultats ?).
Abdoulaye Wade par ci, Idrissa Seck ou Macky Sall par là, comme si tout le jeu politique au Sénégal se réduisait à des querelles crypto-personnelles.
Et j’en oublie... Assurément, le Sénégal mérite mieux que tout cela !