mardi 25 août 2009

PBS, 20 ANS DEJA ?

PBS, 20 ans déjà ? C’est fou ce que le temps passe vite. Vingt ans, dans la vie d’un homme, ça compte énormément. Moi-même, j’ai du mal à réaliser que cela remonte à 20 ans, ce jour où, jeune collégien, je découvrais (lors des matinées hip hop organisées à Sorano) un groupe composé de deux MC’s, qui m’avaient énormément impressionnés par leur flow et leur grande maîtrise de l’anglais. Je ne connaissais encore rien de ce groupe, et étais loin de m’imaginer qu’une saga était en train de naître, qui conduirait le groupe en question à écrire l’une des plus belle pages de la musique sénégalaise (oui, il ne s’agit pas que de rap !). Je me souviens encore de ce dimanche d’été (1992 je crois) où pour la première fois, j’ai écouté à la radio la première production discographique du PBS, le son « bagn bagn », où étaient déclamées ces fameuses rimes désormais gravées à jamais dans le livre d’or du hip hop sénégalais « gnoun dou gnou PS, gnoun dou gnou PDS, gnoun gnoy PBS… ». A vrai dire, c’est presque à la fin du son que je découvris (avec sans doute la même émotion que Christophe Colomb, foulant la terre d’Amérique…) que les rimes déclamées l’étaient en wolof. Oui, je l’avoue, pour moi, c’était un groupe de rap américain qui passait à la radio, et les textes, bien sur, étaient en anglais. Oh que non ! C’était du PBS. Pour moi, c’était le début d’un long compagnonnage musical et affectif avec le PBS.
Comment oublier ce soir (de 1993 je crois) où j’ai écouté pour la première fois l’album « Boul Fale » ? J’avais atterri à Toulouse, pour y mener mes études universitaires, et cet album m’avait été rapporté par un ami qui revenait du Sénégal. Ce soir là, je l’avoue, je n’ai pas dormi : l’album passait en effet en boucle, sans que je ne m’en lasse. Et cela ne s’est pas arrêté à cela. Cet album, désormais, était mon plus fidèle compagnon, et je ne m’en séparais jamais. Mes amis toulousains de l’époque peuvent en témoigner, et d’ailleurs eux mêmes « souffraient le martyre », si je puis dire : en effet, tyrannique que j’étais, partout où j’allais, je cherchais à faire écouter, à imposer même, l’album du PBS (pardon à tous !). Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’album remix « Boul Fale bou bès » (sorti en 1994) m’empêcha à nouveau de dormir et devint lui aussi mon plus fidèle compagnon. Il me permit aussi de découvrir deux nouveaux groupes très promoteurs : Daara J (ah, quelle voix, déjà, ce Faada !) et Pee Froiss.
Je me souviens également de cet après midi de 1995 où, ayant appris la sortie du premier album international du PBS, « Salam », je courus à la FNAC pour me le procurer. « Def lo xam, wokh lo kham, bo teuddé nelaw, nelaw… ». Ce soir, je n’ai toutefois pas pu dormir, pour des raisons qu’il n’est pas difficile de devenir ! Puis ce fut la grande campagne de promo de l’album (pour mon plus grand plaisir du reste…) dans laquelle je m’investis personnellement : auprès de mes amis, des quelques rappeurs toulousains que je connaissais, émission à la radio campus, etc. Cerise sur la gâteau : PBS allait passer à Toulouse dans le cadre de sa tournée française ! Ce fut un moment de joie et un espace de communion inoubliables, surtout qu’en ce qui me concerne, j’avais été sevré pendant toutes ces années d’un concert du PBS. A la fin du concert, je me suis faufilé dans les coulisses, jusqu’à tomber en face des deux MC’s du PBS. Mais c’est connu, dans ces circonstances, un fan (oui, je l’étais) reste tétanisé ! Je n’ai donc rien pu leur dire…
La suite fut comme un long fleuve tranquille : la même joie et le même prosélytisme (d’autres auraient sans doute parlé de fanatisme…) à chaque sortie d’un nouvel album du PBS, la même disponibilité à aller assister (presque) partout en France aux concerts du PBS, etc.
Parmi les dernières productions du PBS, c’est certainement l’album « New-York, Paris, Dakar » (1997) qui m’aura le plus marqué. Incontestablement, c’est avec cet album que le PBS était au sommet de son art, tant par rapport aux flows ou aux textes que du point de vue musical. Aujourd’hui encore, je suis convaincu que si des questions contractuelles n’avaient pas retardé la sortie internationale de cet album (qui est intervenue seulement en 2002, soit donc près de 5 ans après son enregistrement), un succès planétaire aurait pu être atteint.
Apres avoir dit tout cela, on comprendra donc que je ne pouvais pas ne pas être présent au concert des retrouvailles du PBS. Pour avoir fait partie en effet de cette génération qui a été profondément marquée par les deux acolytes, je ne pouvais en effet que regretter (dans un premier temps) l’éclatement du PBS, puis (dans un second temps) me réjouir de la « réunification » des deux monstres sacrés du rap sénégalais. Alors, j’y suis allé, sans hésitation aucune (la seule précaution prise ayant été toutefois de demander à mon épouse … « un avis de non objection » !)
Il n’y a aucun doute, ce fut le plus grand concert de hip hop au Sénégal auquel il m’a été donné l’occasion de prendre part, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, la composition du public. Jamais en effet un concert de hip hop au Sénégal n’a réuni tant de gens, appartenant de surcroit à des générations différentes. Moi-même, j’y suis allé avec un petit frère, qui n’était pas né lors de la création du PBS, mais qui (quelle surprise et quelle découverte ce fut pour moi !), connaissait parfaitement quelques textes des vieilles chansons du PBS.
Ensuite, la participation remarquable de la grande famille du hip hop sénégalais, tant les pionniers (Matador, Yat Fu, Nix, Da Brains, etc.) que la génération intermédiaire (Fata, Amenophis, Simon, Sen Kumpe, etc.) ou la nouvelle garde (Canabasse).
Enfin dans les moyens mobilisés, et surtout les petits plus qui ont agrémenté le concert (écrans géants dispersés partout dans la salle, projection d’un mini film avant l’entrée en scène du PBS, etc.).
Tant pis si le concert a connu du retard dans le démarrage (moi-même, j’ai dû quitter le concert vers minuit, n’ayant plus l’habitude de ces concerts marathons !)… Tant pis également si la salle n’était pas la plus indiquée du point de vue de la qualité du son (on avait en effet du mal à bien percevoir les voix, qui étaient « bouffées », et presque imperceptibles !)… Tant pis si quelques groupes ont manqué à l’appel (je pense surtout à Daara J et à Pee Froiss)… La perfection n’étant pas de ce monde, il manquera toujours des choses.
Aujourd’hui encore, je suis content et heureux d’avoir pris part à ce concert, qui m’a, moi aussi, rajeuni de 20 ans ! Merci Awadi, merci Doug E Tee (je sais, aujourd’hui, c’est Duggy T, mais puisqu’on parle du PBS, va pour Doug E Tee !), pour tous ces moment de joie que vous avez procuré à ceux et celles de ma génération au cours de ces vingt dernières années. Vous n’auriez pas existé, on vous aurait inventé ! Salam…

dimanche 10 mai 2009

LE SENEGAL DES DEBATS INUTILES...

Drôle de pays que notre (cher) Sénégal ! Des événements, insignifiants ailleurs, prennent chez nous des proportions inquiétantes, tandis que d’autres, qui ailleurs seraient au centre du débat, chez nous font l’objet d’un traitement quasi-confidentiel. A croire que dans le Sénégal d’aujourd’hui, il y a pénurie du sens de la mesure…
Qu’est ce qui a donc « buggué » chez bien de mes compatriotes pour qu’ils prennent un malin plaisir à épiloguer à longueur de journées (et même de semaines !) sur des questions quasiment sans enjeux, aussi ennuyeuses que pourrait l’être un débat sur le sexe des anges ?
Pourtant, tel n’a pas toujours été le cas. Il fut en effet un temps, pas lointain d’ailleurs, où les débats publics étaient de haute facture. A croire d’ailleurs que le processus de « démocratisation », en ouvrant toutes les vannes et en permettant à toutes les opinions d’être exprimées, d’où qu’elles puissent venir, a conduit à un nivellement par le bas du débat public. A l’époque par exemple où la presse sénégalaise se limitait à quelques journaux, pour la plupart des hebdomadaires (notamment Walfadjiri, Sud-Hebdo, Cafard Libéré, Politicien), la qualité était incontestablement de mise, tant dans le choix des sujets que dans les standards du point de vue du traitement de l’information. Nous avions à l’époque de vrais journaux, animés par de vrais journalistes, dotés d’une solide formation, très au fait des exigences éthiques et déontologiques de leur métier, et qui, pour toutes les raisons tantôt évoquées, traitaient de vraies questions et refusaient de verser abusivement dans le sensationnel. Qu’en est-il aujourd’hui ? La vérité commande de dire que si la presse sénégalaise s’est fortement diversifiée, elle ne s’est pas bonifiée, alors là pas du tout. A propos de ce que nous dénoncions tantôt, la multiplication des débats inutiles, la responsabilité des médias, incontestablement, est indiscutable. Pour la presse sénégalaise, quasiment toutes catégories confondues, il n’y a désormais que la quête du sensationnel qui compte, au point que l’information (la vraie, la juste) et l’analyse (la pertinente, l’objective) en sont réduites à des portions congrues. En cela, la presse sénégalaise est devenue une formidable machine à colporter les rumeurs, en même temps qu’elle oriente le débat public dans des voies sans avenir et donc sans grand intérêt. Il ne s’agit pas ici de faire le procès de la presse ou de mettre tous les journalistes dans le même sac, mais seulement de reconnaître l’influence parfois néfaste d’une certaine presse qui, malheureusement, tend à se généraliser dans la profession. Ce mouvement de nivellement par le bas de la presse sénégalaise prend des formes multiples : « unes » aguicheuses (et très souvent sans grand rapport avec les contenus des papiers), multiplication des « offs » (le lieu par excellence où les rumeurs et les informations non vérifiées sont véhiculées), prépondérance des sujets politiques (comme si le Sénégal était en perpétuelle campagne électorale, comme si également seule la « politique » était digne d’intérêt), etc. A la décharge de la presse sénégalaise, on pourrait néanmoins faire observer que peut être, la presse ne fait que servir au peuple ce que ce dernier désire. Mais ne rentrons pas dans ce débat, qui reviendrait à déterminer qui de l’œuf ou de la poule vient l’un avant l’autre.
Le constat, dans tous les cas, est implacable et ne souffre d’aucune contestation possible : soit ce sont des questions sans intérêt qui peuplent le débat public, soit ce sont les mêmes questions qui reviennent sans cesse, au point qu’elles deviennent ennuyeuses.
Karim par ci, Karim par là, à croire qu’il aurait le don d’ubiquité. Certes aucune hésitation n’est permise à ce propos : une dévolution monarchique du pouvoir serait inacceptable dans cette République qu’est le Sénégal. Mais à trop parler de Karim, ne participe-t-on pas à « crédibiliser » ce dernier aux yeux de l’opinion, et donc à le rendre présidentiable ?
Remaniement par ci, remaniement par là, avec un suspense et des rebondissements dignes des plus grandes séries américaines, et tout cela comme si l’avenir du Sénégal se jouait dans ces remaniements, malgré les enseignements de l’histoire (combien de remaniements en effet depuis 2000, et pour quels résultats ?).
Abdoulaye Wade par ci, Idrissa Seck ou Macky Sall par là, comme si tout le jeu politique au Sénégal se réduisait à des querelles crypto-personnelles.
Et j’en oublie... Assurément, le Sénégal mérite mieux que tout cela !

samedi 3 janvier 2009

2008 ET 2009 : ANNEES DE CRISE ?

L’année qui vient de prendre fin, assurément, a été riche d’évènements sur le plan économique, tant au niveau national qu’international. Mais au delà des péripéties constatées ici et là, 2008 peut se résumer en un seul mot : crise. En effet, autant au Sénégal qu’à l’échelle mondiale, la vie économique a été rythmée par une multitude de crises, dont les effets se sont fait sentir à tous les niveaux. Puisque « à tout seigneur, tout honneur », commençons par la crise financière, qu’on a eu du mal à voir venir, mais dont les conséquences, elles, n’ont pas tardées à se faire sentir. Comme illustration de la surprise avec laquelle s’est installée la crise, on peut rappeler que le 12 mars 2008, soit deux jours à peine avant que la Banque Bear Stearns n’annonce un plan de financement d'urgence par la Réserve fédérale lui évitant la faillite, son président, Alan Schwartz, tenait cette affirmation péremptoire : « nous ne constatons aucune pression sur nos liquidités et encore moins une crise de liquidités ». Pour ce qui est maintenant des conséquences de cette crise, les économistes sont aujourd’hui encore en pleine spéculation, et nul ne peut dire de façon certaine ce qu’elles seront. Mais il est néanmoins un fait qui est incontestable, et sur lequel tout le monde s’accorde : cette crise financière a porté un sérieux coup à la conception libérale de l’économie, jusqu’ici dominante. Même les grands manitous de l’économie du marché n’y sont pas été par la petite cuiller. Ainsi, Alan Greenspan, ex président de la Fed, a affirmé ce qui suit : « j'ai trouvé une faille dans l'idéologie capitaliste. Je ne sais pas à quel point elle est significative ou durable, mais cela m'a plongé dans un grand désarroi ». Quant à Warren Buffet, probablement l'investisseur privé le plus connu et admiré de la planète, il recourt à une comparaison imagée qui en dit long sur son désarroi : « Le patient allongé sur le sol avec un arrêt cardiaque n'est pas Wall Street, c'est l'économie américaine ». Dans les économies des pays du Nord, ce sont près de 5 000 milliards de $ qui ont été déboursés par les pouvoirs publics, dans le but, soi-disant, de contrer les effets de la crise. Ce chiffre, assurément, donne le vertige, et donne une idée de l’ampleur des dégâts. «Heureusement», et compte tenu de sa faible intégration à la mondialisation économique et financière, l’Afrique est à ce jour le continent le moins touché par la crise financière. Faut-il pour autant croire, comme l’affirme Abdoulaye Wade, que notre continent sera épargné ? Rien n’est moins sur, et à moyen et long termes, l’impact de la crise en Afrique pourrait s’avérer sensiblement plus important, et se manifester de différentes façons : baisse des investissements (du fait de la crise de liquidité bancaire et du resserrement des conditions de crédit), crise de financement dans les filiales des banques étrangères, baisse de l’aide publique au développement (compte tenu des restrictions budgétaires dans les principaux pays avancés), baisse des prix des matières premières, baisse des transferts d’argent des africains de la diaspora vers le continent. Pour toutes ces raisons, si la crise perdure, l’année 2009 et les autres années à venir pourraient être encore beaucoup plus difficiles pour les pays africains. Pour le Sénégal, l’impact pourrait même être plus important que ce qu’il serait pour la plupart des autres pays africains, étant donné le caractère plus « extraverti » de notre économie. Par exemple, selon les statistiques de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, nous bénéficions d’une assistance publique annuelle de près de 200 $ par habitant, alors que la moyenne continentale n’est que de 25 $ ! De même, étant un pays d’immigration « historique », le Sénégal fait partie des pays africains bénéficiant le plus des envois de la diaspora : annuellement, ce sont en effet près de 500 milliards de F CFA (soit l’équivalent de 12% du PIB national) que les immigrés sénégalais envoient à leurs familles restées au pays (il s’agit donc ici d’une véritable manne financière). Mais quoiqu’il en soit, au delà des seuls effets de la crise financière, il y a lieu de s’inquiéter de la situation économique du Sénégal pour l’année 2009. Il ne s’agit évidemment pas de verser dans le catastrophisme, mais de constater tout simplement qu’un certain nombre de facteurs pèsent sur la bonne santé de l’économie sénégalaise et sur sa croissance. Paradoxalement d’ailleurs, l’Etat est ici au centre des interrogations, alors même que sa fonction première, au fond, est d’être un « réducteur d’incertitude ». La sonnette d’alarme a été tirée la première fois par une voix autorisée, celle du représentant-résident du FMI, dont on ne peut douter qu’il n’ait pas été à la bonne source. Tout récemment, la presse a fait cas des télégrammes confidentiels de l’ambassadeur de France, dont le « supposé » contenu reste d’actualité en dépit des démentis de part et d’autre. Les entreprises, à travers leurs organisations patronales, se sont elles aussi publiquement prononcées, en mettant en garde sur les risques d’asphyxie que le niveau de la dette intérieure fait peser sur l’économie sénégalaise. Certes, l’Etat s’est engagé à résorber cette dette au plus tard le 31 janvier 2009 (mais ici, encore la question du montant de cette dette est l’objet de polémique : 174 milliards selon le chef de l’Etat, mais plus de 300 milliards affirme le patronat !), mais le procédé mis en place n’est pas des plus rassurants, puisqu’il s’agit de brader les bijoux de famille (vente des actions SONATEL, « pillage » de l’IPRES, vente du Méridien, etc.) et de s’endetter (auprès d’autres – France, FMI… – par rapport auxquels l’Etat est déjà fortement endetté, puiqu’en dépit de l’Initiative d'Allègement de la Dette Multilatérale, l’encours de la dette publique extérieure du Sénégal était estimé à 860,02 milliards F CFA au 31 décembre 2007). Ajouter à cela les nombreux chantiers sur lesquels l’Etat est engagé (avec parfois des montants astronomiques, et sans qu’on sache toujours avec précision le niveau de la contribution effective – sous toutes ses formes – de l’Etat : aéroport de Ndiass, autoroute Dakar-Diamniadio, etc.), le train de vie dépensier et même fastueux de l’Etat (qui ne semble pas préoccuper outre mesure ceux qui nous gouvernent, puisqu’aucun plan de réduction de ce train de vie n’a été annoncé), la forte demande sociale (qui, pour être contenue et ne pas conduire à l’explosion, exigera certainement une implication financière forte de l’Etat), et on s’apercevra que tous les ingrédients sont réunis pour un avenir économique difficile, incertain même. Bien évidemment, il convient de ne pas ignorer que d’autres facteurs influenceront dans le sens inverse. Par exemple, la baisse du prix de pétrole (45 $ le baril aujourd’hui, après avoir atteint un pic historique de près de 150 $ il y a de cela à peine quelques semaines), si elle se maintient, ne manquera pas de constituer une bouffée d’oxygène (pour les consommateurs, les effets se font déjà sentir à la pompe, puisque de baisses significatives ont été enregistrées, par exemple de près de 100 F sur le litre de super). De même, la relance des ICS, si elle était confirmée, ne manquera pas d’avoir un effet bénéfique sur l’économie sénégalaise, et ce à différents niveaux. Mais malgré tout, il demeure que pour 2009, les signes alarmants sont plus nombreux que ceux qui rassurent. Pour ce qui de la question tout particulièrement de l’électricité, deux remarques méritent d’être faites. Premièrement, on a ici une illustration symptomatique de la radicalisation du front social qui, désormais, guette le Sénégal (puisque même les imams sont en première ligne) et de ses répercussions sur le plan économique. L’argument avancé par l’Etat, pour justifier de la hausse « officielle » de 17% du coût de l’électricité (mais de près de 50% en réalité, disent en chœur les associations consuméristes et les organisations patronales), était d’appliquer la vérité des prix, afin de résorber un manque à gagner de la Senelec estimé à 65 milliards de F CFA par an. Quelle que soit la décision finale qui sera prise à ce propos, elle sera affectée d’un coût, qui devra nécessairement être supportée par quelqu’un (l’Etat, la Senelec, les consommateurs). Deuxièmement, à bien des égards, le traitement médiatique fait de cette question montre que si les sénégalais sont égaux à la naissance, ils ne le sont plus devant la hausse des prix. Faut-il en effet le rappeler, le taux d’électrification rurale atteint encore à peine 10% au Sénégal, ce qui signifie que près de 5 millions de sénégalais n’ont pas encore accès à l’électricité, et évidemment, pour ces derniers, la question de la hausse des tarifs de la Senelec est tout simplement sans enjeux, contrairement à celle des denrées de première nécessité qui, toute chose égales par ailleurs, les affecte plus durement. Mais c’est connu, les médias sont en ville, et ce sont les combats ou les revendications des citadins qu’ils couvrent le plus. Pour en revenir à l’Etat du Sénégal, ce qui peut lui être reproché, et sans verser dans la querelle politicienne, c’est de donner parfois l’impression, confirmée tout au long de l’année 2008, d’un pilotage à vue, et d’une absence de politique économique clairement définie, et clairement perçue comme tel. En dépit de l’inflation des déclarations de bonne intention, des lettres sectorielles, des documents de cadrage, il manque ici un fil conducteur de l’ensemble, visible dans la durée dans les actes posés par le gouvernement. De ce point de vue, la réaction du gouvernement suite à la crise de la dette intérieure en est une parfaite illustration. Comme l’a rappelé en effet fort justement une organisation patronale, l’engagement de régler la dette publique intérieure ne constitue pas une déclaration de politique économique, mais bien plutôt un acte courant de gestion, qui relève de l’ordre normal des choses. Ce qu’il faudrait, c’est une politique d’ensemble et cohérente, qui prenne en compte la complexité et la dynamique qui sont celles de la vie économique, plutôt que des déclarations de bonne intention sans lendemain, ou encore des projets ficelés à la va-vite et sur lesquels on ne sait rien quant à leur durabilité. De ce point de vue, la GOANA en est une parfaite illustration. Sur le bien fondé de l’option consistant à accorder une plus grande attention à l’agriculture, personne ne trouvera certainement rien à dire. Mais est-ce la meilleure stratégie qui a été déroulée ? Je n’en suis pas sur, d’une part parce qu’il n’y a pas eu ici d’étapes intermédiaires (comme si tout était parti d’une révélation !), et d’autre part, parce que l’accent a été mis seulement sur la production, sans prendre en compte d’autres aspects pourtant fondamentaux : retombées pour les « paysans authentiques » (ceux là mêmes qui n’ont pas attendu l’appel de Wade pour s’intéresser à l’agriculture, ce qui n’est pas le cas de tous ces ministres, députés et sénateurs dont les fermes, sans qu’on sache pourquoi, ont été exhibées à longueur de JT !), questions liées à la commercialisation et à la transformation des produits agricoles, etc. De même, on ne peut qu’être sceptique face aux TGP (Très Grands Projets) annoncés récemment en faveur de l’emploi des jeunes de la banlieue, d’abord parce qu’il n’y a pas de politique globale en faveur de l’emploi (dans laquelle pourrait s’inscrire une politique d’emploi au bénéfice des jeunes), et d’autre part parce que le concept même de banlieue au Sénégal manque de pertinence ou d’opérationnalité (ici, il ne s’agit en effet que d’un concept géographique ; or dans les pays où l’emploi des jeunes issus de la banlieue a un sens, notamment en terme de politique redistributive, c’est du fait du sens sociologique attachée au concept). Du point de vue de la politique économique, puisse donc l’année 2009 être celle de toutes les ruptures, mais aussi de toutes les audaces